Les peuples autochtones représentent 476 millions de personnes et vivent dans 90 pays différents. Ce sont des populations dont les ancêtres ont été les premiers à vivre sur les terres sur lesquelles elles vivent. Culturellement, elles entretiennent un lien particulièrement fort avec celles-ci. Leur histoire est marquée par la conquête et la colonisation de leur territoire par un autre peuple. On peut citer les Lakotas d’Amérique du Nord, les Acholis en Ouganda, les Touaregs dans le Sahel, les Bajaus en Malaisie ou encore les Aborigènes en Australie. Bien qu’ils soient issues d’origines différentes, ils ont souvent ce lourd passé en commun : massacre, spoliation foncière, déplacement forcé de population, travail forcé, exploitation et destruction de leur environnement, acculturation.
Encore aujourd’hui, les peuples autochtones sont confrontés à de nombreuses problématiques : fortes inégalités sociales, une faible représentation politique, déni de leur droit à contrôler leur propre développement et l’exploitation de leurs ressources naturelles sans leur consultation. Face aux enjeux écologiques, les peuples autochtones se positionnent comme lanceurs d’alerte en défendant la nature dans de nombreuses régions du monde.
Les peuples autochtones qui représentent 5% de la population vivent sur des terres qui accueillent 80 % de notre biodiversité mondiale. Riches en ressources naturelles (pétrole, gaz, minerais, bois), elles sont souvent accaparées ou pillées et polluées par des gouvernements ou des entreprises. C’est le cas par exemple des peuples d’Amazonie. Au Brésil, durant le mandat du Président d’extrême droite, Jair Bolsonaro (2019-2022), la destruction du « poumon de la terre » a augmenté de 75%. Le chef Indien Raoni l’accusait de « crimes contre l’humanité ». Et pour cause : déforestation massive au profit de l’agriculture intensive, orpaillage, assassinat de leaders autochtones, persécutions, viols, transferts forcés de population. Selon le Conseil indigène missionnaire, 430 autochtones ont été assassinés entre 2018 et 2021, la plupart par des agents de l’agrobusiness ou des orpailleurs violant leurs terres. Malgré l’investiture de Luiz Inacio Da Silva en début d’année 2023, la situation reste critique. Dernièrement, sa relance de la politique de protection des peuples autochtones et de l'Amazonie a subi un coup de revers. Les députés brésiliens ont voté à la fin du mois de mai 2023 un projet de loi limitant la démarcation des terres indigènes. Ce texte promu par des députés pro industrie agro-alimentaire établit que les autochtones n'ont droit qu'aux terres qu'ils occupaient au moment de la promulgation de la Constitution de 1988. Cette thèse est rejetée par les habitants de ces terres, chassés au fil des siècles et notamment pendant la dictature militaire (1964-1985). Selon les scientifiques cette démarcation était essentielle pour freiner la déforestation. Ainsi, ce texte laisse la porte ouverte à la déforestation de la plus grande forêt tropicale du monde.
Lanceurs d’alerte
Brésil, Pérou, Kenya, Canada, Australie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, partout, face à la surexploitation de notre patrimoine naturel, les voix s’élèvent dont celles de lanceurs d’alertes. Beaucoup connaissent et font référence au discours (1854) du chef amérindien Seattle, aujourd’hui rentré dans l’histoire : « [L'homme blanc] traite sa mère la terre, et son frère le ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre, comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit dévorera la terre et ne laissera derrière lui d’un désert. […] La Terre n’appartient pas à l’homme, l’homme appartient à la Terre. »
Plus d’un siècle plus tard, à 13 000 kilomètres de l’Amérique, en Océanie, c’est le chef Mundiya Kepanga qui met en garde contre les actions de l’homme sur la nature. Originaire de Papouasie-Nouvelle-Guinée, de la tribu des Hulis dans les Hautes-terres, les arbres y sont considérés comme des membres de la famille. Il alerte sur les dangers de la vente de leur terre aux multinationales à l’origine de la déforestation et milite pour permettre aux populations locales de vivre dignement. Entendu à l’Unesco et personnalité centrale de plusieurs documentaires, il veut nous faire comprendre que nos destins sont liés : « nous sommes tous frères des arbres ».
Des avancées juridiques
Contrairement aux idées reçues, les avancées significatives en matière d’écologie ne viennent pas toujours des pays d’Europe, mais au souvent de pays portant la culture et les voix des peuples autochtones. En 2017, la Nouvelle-Zélande, Pays du Sud du Pacifique, héritière de la culture polynésienne maorie, a reconnu le fleuve Whanganui comme entité vivante et l’a doté d’une « personnalité juridique ». Cette décision marquante a été adoptée fait suite à la lutte des tribus riveraines pour la reconnaissance de leurs droits ancestraux sur le fleuve « Te awa Tapua » (une « entité à part entière » en langue maorie). Un an auparavant, en Nouvelle-Calédonie, les îles Loyauté, province kanake (premier peuple du pays) à plus de 90 %, ont introduit dans son code de l'environnement la reconnaissance juridique à des éléments de la nature. Ainsi le requin, animal considéré comme sacré et la tortue marine, victime de braconnage important, sont qualifiés d’« entités naturelles sujets de droit ». De ce fait, il est désormais possible de mener des actions en justice en leur nom, et ainsi de les protéger des atteintes environnementales dont ils peuvent être l'objet ou de demander réparation des dommages qui leur ont été causés.
Premières victimes de l’action de l’homme sur la nature, les peuples autochtones dénoncent la surexploitation des ressources naturelles des terres sur lesquelles ils vivent. Gardien de la biodiversité mondiale, leur culture tournée vers le respect de l’environnement, permet ainsi d’ouvrir la voie à de grandes avancées écologiques, notamment au point de vue juridique.
écologie: les peuples autochtones
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