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10 mai 2023 : abolition de l’esclavage et travail de mémoire

Longtemps considérée comme une affaire essentiellement ultramarine, la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition marque la volonté de la France de reconnaître cette part de son histoire. L’enjeu est complexe : réconcilier la France avec son passé esclavagiste. Décidé en 2006 à la demande du Comité pour la mémoire de l’esclavage, le 10 mai est l’anniversaire de l’adoption à l’unanimité par le Sénat de la loi dite « Taubira ». Elle reconnait la traite et l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Ce jour marque le début du mois des mémoires qui prend fin le 23 mai. Date référence de la « marche silencieuse » de 1998, où des voix principalement issues de la diaspora des Antilles se sont élevées dans les rues de Paris en hommage aux ancêtres victimes de l’esclavage à l’occasion du 150ème anniversaire de son abolition.




Un long combat pour la reconnaissance


Cette reconnaissance des mémoires de l’esclavage a été le fruit d’un long combat. Dès son abolition en 1848, la question de l’esclavage est très vite éludée en Hexagone. Interdit sur le sol métropolitain, et présent uniquement dans « les îles à sucres », la mémoire de la servitude paraît lointaine, séparée par des milliers de kilomètres. Mais ce n’est pas seulement la distance qui l’a effacée des manuels d’histoire, c’est aussi une œuvre politique, celle de la IIIème République et du roman national. Il met en avant la mission civilisatrice de la colonisation et la figure des abolitionnistes telle que celle du député Victor Schoelcher. Ce façonnage historique occulte le passé esclavagiste français au détriment des victimes et des figures de résistances noires anti-esclavagistes. Jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, la servitude est absente du débat public. Peu à peu, dans les Antilles, les mémoires s’éveillent. Les années 70-80 voient la naissance de revendications venues des milieux étudiants, syndicaux mais aussi littéraires avec le courant de la « créolité ». Cette parole finit par se faire entendre en Hexagone et va de pair avec un courant de reconnaissance mémorielle qui s’étend à une échelle globale. À la fin du XXème siècle, on estime que la grandeur d’un pays consiste à affronter son passé.


"Lutter contre l'ignorance et l'oubli"


En 2001, avec la loi Taubira, du nom de Christiane Taubira, alors députée de Guyane à l’instigation du projet de loi, la France devient la première nation du monde à inscrire officiellement l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Cinq ans plus tard, le gouvernement de l’époque décide de faire du 10 mai, une journée de commémoration nationale. Lors de son discours historique devant l’Élysée, le Président de l’époque Jacques Chirac, met en avant la responsabilité de l’État dans « cette abomination perpétrée, pendant plusieurs siècles, par les Européens ». Mais l’objectif affiché n’est pas simplement de revenir sur le passé, mais bel et bien d’avancer. De « lutter contre l’ignorance, contre l’oubli », vecteurs de certaines discriminations persistantes : « les discriminations font perdre la foi républicaine à ceux qui en sont victimes. Les discriminations, le racisme, c'est la négation de tout ce que nous sommes, de tout ce que nous avons construit, de tout ce qui nous fait vivre en tant que Nation. » Cette reconnaissance met fin à un long déni et s’inscrit dans une volonté de prise en compte de toutes les mémoires dans une dynamique de mise en avant de la diversité.


Réconcilier les mémoires


À l’heure actuelle, la France continue d’essayer de réconcilier ses mémoires, et notamment celles de la colonisation. Certaines semblent irréconciliables. Partout dans le monde, des voix s’indignent, des liens se brisent et d’autres se réparent. Certains s’offusquent de voir leurs mémoires niées et des passages de l’histoire occultés. C’est le cas des familles des victimes de la fusillade de 1984 à Waan Yaat, en Nouvelle-Calédonie, dont les auteurs n’ont jamais été condamné par la justice française. Des descendants des travailleurs asiatiques engagées dans les colonies, employés dans des conditions proches de l’esclavage. Des contaminés des essais nucléaires en Polynésie française de 1975 à 1996. Ou bien des empoisonnés au chlordécone dans les Antilles, dont l’État a accordé un non-lieu en début d’année. Autant de traces qui continuent d’être inscrites sur les hommes et la terre. Cependant, il parait parfois difficile de ne pas tomber dans la concurrence mémorielle et la repentance. La question reste entière : quelle place accorder à ce passé dans notre présent ?



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