Du jamais vu depuis très longtemps ! La situation de la faim dans le monde, déjà tragique depuis quelques années, est devenue carrément catastrophique en 2020, en raison essentiellement des conséquences économiques de la crise du coronavirus. Le 1er décembre dernier, l’Organisation des Nations Unies (ONU) avait ainsi lancé un appel humanitaire record de 35 milliards de dollars (environ 30 milliards d’euros) pour 2021, la Covid-19 ayant fait des « ravages » et plongeant des centaines de millions de personnes dans la pauvreté. « Les budgets de l’aide humanitaire font face à des coupes terribles, alors que l’impact de la pandémie mondiale continue de s’aggraver », avait déclaré le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. D’ici à la fin 2020, expliquaient il y a à peine plus d’un mois les Nations Unies, environ 270 millions de personnes pourraient souffrir d’insécurité alimentaire aigüe – c’est-à-dire être touchées par la famine - sur l’ensemble du globe, soit plus de 80% de plus qu’avant la pandémie. « Un choix clair s’impose à nous. Nous pouvons laisser 2021 être l’année du grand retournement – l’effritement de 40 ans de progrès – ou nous pouvons travailler ensemble pour nous assurer que nous trouvons tous un moyen de sortir de cette pandémie », soulignait Mark Lowcock, chef du Bureau de la coordination humanitaire. « Le tableau que nous présentons est le plus sombre que nous ayons jamais exposé en matière de besoins humanitaires à venir (…) Le monde riche peut maintenant voir la lumière au bout du tunnel. Il n’en va pas de même dans les pays les plus pauvres », avait-il ajouté.
« D’ici à la fin 2020, environ 270 millions de personnes pourraient souffrir d’insécurité alimentaire aigüe – c’est-à-dire être touchées par la famine - sur l’ensemble du globe, soit plus de 80% de plus qu’avant la pandémie. »
Aux quatre coins du monde, ceux qui vivaient déjà sur le fil du rasoir sont touchés de manière très grave par la crise du coronavirus, qui induit la hausse des prix alimentaires, la baisse drastique des revenus, et perturbe fortement les chaînes d’approvisionnement. Autres problèmes, les catastrophes liées au réchauffement climatique et aux conflits meurtriers, qui ont des conséquences désastreuses sur la sécurité alimentaire.
« La famine est aux portes de l’humanité »
Confirmation écrasante de ce cataclysme mondial, le prestigieux et très sérieux prix Nobel de la paix avait été décerné le 9 octobre 2020 au Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, un organisme siégeant à Rome, créé en 1961 pour lutter contre la faim dans le monde, employant pas moins de 17000 personnes. Le PAM avait ainsi été récompensé pour son combat contre la faim, notamment dans les zones de conflits. Selon les estimations de l’ONU, déjà en 2019, alors que la crise du coronavirus avait tout juste démarré, 690 millions de personnes dans le monde, soit 1 sur 11, souffraient de sous-alimentation chronique, sans compter celles touchées par la famine, qui atteignaient déjà 150 millions d’êtres humains. L’Asie concentrait alors la plus grande partie des personnes en souffrance chronique (381 millions), suivi de l’Afrique (250 millions), de l’Amérique latine et des Caraïbes (48 millions).
Lors la remise formelle du prix Nobel de la paix au PAM, le 10 décembre 2020, David Beasley, le directeur exécutif de cet organisme, rappelait bien que 270 millions de personnes à travers le monde risquait de tomber dans la famine : « Ne pas répondre à leurs besoins entraînera une pandémie de faim, qui éclipsera l’impact de la Covid » avait-il prévenu. Et il ajoutait qu’il estimait de son devoir de dire la vérité au monde : «la famine est aux portes de l’humanité. Pour des millions et des millions de personnes sur terre ».
Des pays sont actuellement dans des situations catastrophiques. Au Yémen, un conflit très meurtrier oppose depuis 2015 le gouvernement en place, appuyé par une coalition militaire dirigée par l’Arabie Saoudite, et les rebelles houthis, soutenus par l’Iran. Désormais, plus de la moitié des 30 millions d’habitants du Yémen seront confrontés à des niveaux de crise d’insécurité alimentaire graves d’ici à la mi-2021, selon l’ONU (3 décembre 2020).
« Selon les estimations de l’ONU, déjà en 2019, alors que la crise du coronavirus avait tout juste démarré, 690 millions de personnes dans le monde, soit 1 sur 11, souffraient de sous-alimentation chronique, sans compter celles touchées par la famine, qui atteignaient déjà 150 millions d’êtres humains.»
En Syrie, environ 9 millions de personnes sont en situation de sous-alimentation, expliquait fin novembre dernier les Nations Unies. Et de s’alarmer le 16 décembre d’une souffrance exacerbée en cette période hivernale, après déjà près de 10 années de conflit dans le pays : « l’insécurité alimentaire et la malnutrition devraient augmenter considérablement ».
Malheureusement, les plus jeunes sont souvent en première ligne dans ce désastre. Plus de 10 millions d’enfants en République démocratique du Congo, au Nigéria, dans le Sahel central (Burkina Faso, Mali, Niger), au Soudan du Sud et au Yémen « souffriront de malnutrition aigüe en 2021 » a déclaré en fin d’année dernière le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), avertissant que sans action urgente, les chiffres pourraient encore croître.
La France n’est pas épargnée
Certes, la famine est un phénomène très ancien. La Bible y fait référence comme un des 4 cavaliers de l’Apocalypse : la Conquête, la Guerre, la Famine et la Mort. Des grandes disettes de l’Egypte ancienne, comme celles très nombreuses du Moyen Age, de multiples catastrophes ont déjà eu lieu. Plus proche de nous, de 1959 à 1961, le « Grand bond en avant » de la Chine de Mao provoqua une énorme sous-alimentation, qui fit selon les estimations, entre 20 et 45 millions de victimes. Mais aujourd’hui, les chiffres avancés de morts possibles de la faim dans le monde sont beaucoup plus importants.
Enfin les pays développés et la France en particulier sont aussi touchés par la faim, certes à un moindre degré, et par les conséquences du coronavirus. Dans l’Hexagone, plus de 9 millions de personnes, soit près de 15% de la population française, vivaient sous le seuil de pauvreté en 2019, selon l’INSEE, soit avant la pandémie, et l’aide alimentaire visait alors 5,5 millions de personnes. Mais avec le coronavirus en 2020 et cette année, de plus en plus de banques alimentaires voient arriver en nombre de nouvelles personnes en difficulté, notamment des jeunes.
« Abdelsem Ghazi, Secrétaire général de la fédération de Paris du Secours populaire français alertait à la fin novembre dernier : « ces derniers mois, en France, la pandémie a fragilisé davantage les familles les plus démunies. Dès le début du confinement, les demandes d’aide ont augmenté de 45%. Aujourd’hui, les conséquences économiques et sociales de cette crise sont dramatiques pour des milliers de familles qui jusqu’alors parvenaient encore à subvenir à leurs besoins ».
Même cri d’alarme de Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique-Caritas France, aussi à la fin novembre : « Aujourd’hui, à Paris et partout en France, la pauvreté ne cesse de gagner du terrain et menace des familles entières, qui n’arrivent plus à « joindre les deux bouts ». Avec la crise que nous venons de traverser, ce sont des milliers de personnes que se retrouvent au chômage et qui risquent, du jour au lendemain, de tout perdre ».
La nécessité d’actions urgentes et d’amplitude
Certes, au niveau mondial, des rayons d’espoirs apparaissent, avec la découverte des premiers vaccins contre la Covid-19, et deux milliards de doses, provenant de plusieurs candidats vaccins prometteurs, pourront être sécurisées, au cours du premier semestre 2021, pour protéger les groupes les plus vulnérables dans la plupart des pays de la planète, selon le Docteur Tedros, le Directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Pour lui, en matière de pandémie, le bout du tunnel est en vue, « mais nous n’en sommes pas encore là et nous n’y arriverons qu’ensemble ».
Mais la population mondiale atteint aujourd’hui 8 milliards de personnes, une grande partie de l’humanité n’aura donc pas accès rapidement aux vaccins contre le coronavirus. De plus, les conflits meurtriers ou les attentats continuent de faire rage dans de nombreux pays, tandis que le réchauffement climatique poursuit son œuvre de dévastation dans de nombreuses régions du globe. Les ravages socio-économiques de ces fléaux continuent à faire souffrir des millions de gens. La sous-alimentation et la famine risquent donc de perdurer encore longtemps, si des actions énergiques d’amplitude ne sont pas lancées d’urgence.
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