L’accès à un médecin devient de plus en plus difficile pour de nombreux Français, notamment dans une grande partie du nord et du centre du pays. Malheureusement, l’avenir n’apparaît guère meilleur dans les dix ans à venir, à moins que les décisions politiques prises ne changent la donne.
C’est un sujet dont on parle depuis maintenant plusieurs années. Et qui inquiète beaucoup de Français. La désertification médicale s’accentue, un processus qui rend de plus en plus en difficile l’accès à un médecin dans beaucoup de territoires de l’Hexagone et d’outre-mer. C’est un droit humain, le droit à la santé, qui est mis à mal.
Selon un rapport récent du service d’étude du ministère des Solidarités et de la Santé (DREES, 26 mars 2021), plus de 200 000 médecins de moins de 70 ans sont certes en activité actuellement, mais « cet effectif est globalement stable depuis 2012 ».
Or, pendant cette période, la population du pays a augmenté de 2 millions de personnes, passant à 67 millions d’habitants. Le nombre de médecins n’a donc pas bougé pour un nombre considérable d’habitants supplémentaires.
De plus, l’espérance de vie a fortement augmenté en l’espace de seulement trois générations. En 1950, elle était pour un homme de 63 ans, de 69 pour une femme. Elle est passée à 79 ans pour un homme en 2020, et à 85 pour une femme. Le nombre de personnes âgées a donc nettement augmenté en près de trois-quarts de siècle car, en plus, il s’agit de générations nombreuses nées pendant la période du baby-boom, après la seconde guerre mondiale. Qui dit personnes âgées dit demande de soins plus élevées. Donc des recours plus nombreux à des médecins.
Avant cette demande de plus en plus forte de soins, l’Etat français, sans vraiment semble-t-il juger des conséquences difficiles de ses actes, a instauré pendant une trentaine d’années, grosso modo de 1970 à 2000, un numerus clausus drastique pour limiter l’entrée dans les études médicales.
Résultat : un effondrement du nombre de médecins formés sur cette période. Certes, cette limitation du nombre de médecins a été abandonné depuis, et le nombre de candidats admis fortement rehaussés. Mais le mal est fait.
Plus de 7 millions de Français touchés
Du coup, plus de 7 millions de Français habitaient dans un désert médical en 2019, selon une étude de La Mutualité française et de l’Association des maires de France (décembre 2020), qui avertissaient alors : « si nous ne faisons rien, la situation va encore se détériorer ». Quant au journal « Libération » , il soulignait en février 2020 que « plus de 5 millions de Français n’ont pas de médecin traitant et la part de territoires manquant de praticiens ne cesse d’augmenter. Un problème qui devrait s’accentuer avec le départ à la retraite d’une génération qui n’a pas compté ses heures ».
Un désert médical s’est développé dans beaucoup de régions de France, celles considérées, à tort ou à raison, comme les moins attractives, c’est-à-dire autour de l’Ile-de-France, dans une grande partie du nord et du centre du pays. Alors que le Sud est souvent moins touché, et que la densité de médecin reste notamment forte en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Les déserts médicaux ont aussi d’autres conséquences. Par exemple, les délais d’attente chez les spécialistes. Selon le site « mutuelle.com » (décembre 2019), pour avoir un rendez-vous avec un ophtalmologiste, il faut patienter 327 jours dans la Loire et 246 en Mayenne. Quand les ophtalmologues ne refusent pas tout bonnement de nouveaux patients. Pour les cardiologues, il faut attendre jusqu’à 201 jours en Vendée, ou 155 jours dans le Lot-et-Garonne.
Autre problème alarmant, celui des délais d’attente dans les urgences hospitalières. « En Ile-de-France, la durée médiane d’attente est de 2 heures 40 et se situe entre 4 et 8 heures pour 25% des patients, voire plus de 8 heures pour près de 10% d’entre eux », selon le rapport public annuel de la Cour des Comptes de 2019.
Enfin, un autre problème fait souvent la une de l’actualité : la fermeture des maternités dans les zones les moins urbanisées. Selon BFMTV.com (novembre 2019), « depuis une quarantaine d’années, plus de 60% des maternités ont fermé. Pour les femmes enceintes sur le point d’accoucher, ces fermetures sont synonymes d’allongement des trajets. Avec le risque d’accoucher seule ou sur le bord de la route ». Pour les agences régionales de santé, ces fermetures se justifient par le besoin d’un niveau de sécurité minimale, avec suffisamment de professionnels de santé, c’est-à-dire des maternités qui affichent plus de 300 naissances annuelles. Mais pour un responsable d’un comité de défense des hôpitaux et des maternités de proximité, « aucun document, ni aucune étude ne prouvent que les petites maternités ne sont pas sûres », expliquait-il alors à BFMTV.com.
Un avenir préoccupant
A l’avenir, la désertification médicale devrait encore progresser : « les effectifs projetés diminuent jusqu’en 2024, où le nombre de médecins atteint un point bas (…). Ils retrouvent leur niveau actuel à l’horizon 2030 », explique la DREES.
Donc, si aucune mesure radicale n’est lancée, le nombre de médecins ne devrait pas vraiment changer dans les 10 ans qui viennent, alors que la population va continuer à vieillir.
Des solutions passeraient peut-être par l’arrivée massive de professionnels diplômés de l’étranger, par le développement de maisons de santé, ou de bourses à l’attention des jeunes praticiens qui s’installeraient dans un désert médical … Encore faut-il que l’Etat appuie fortement ces choix-là à l’avenir. Quand bien même, les effets de ces politiques mettront du temps à se faire sentir.
Bien sûr, la situation est inquiétante en France, mais elle sans aucune commune mesure avec ce qui se passe dans le monde, concernant l’accès aux soins. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), dans un rapport phare publié à la fin 2017, pas moins de 4 milliards de personnes étaient alors sans aucune protection sociale (santé, vieillesse, pauvreté), soit 55% de l’humanité, une situation qui touchait notamment l’Afrique, l’Asie et les Etats arabes. Près des deux tiers des enfants du monde entier (1,3 milliard d’enfants) n’étaient pas couverts, la plupart également en Afrique et en Asie.
Même aux Etats-Unis, le pays le plus riche du monde, le président Barack Obama a eu un mal fou à faire entrer en vigueur en 2013 une couverture santé à 32 millions d’Américains qui en étaient dépourvus.
L’accès aux soins reste donc un combat de tous les jours en France, mais aussi sur l’ensemble de la planète.
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