C’est à la fin du XIXe siècle que l’idée du coming out fait son apparition. Sous l’impulsion de Karl Heinrich Ulrichs, défenseur allemand des droits des homosexuels, les témoignages de personnes concernées vont se multiplier sur les décennies à venir, bien que très peu osent prendre la parole. Le défenseur des droits légitime le coming out par le fait de devoir rendre officiel l’existence de personnes homosexuelles afin de sortir de l’ombre. Effectivement, l’invisibilité de la chose était un obstacle majeur à ce que l’opinion public puisse changer face à ce sujet.
À ce jour, la place des personnes LGBTQIA+ a bien changé. Si de nettes améliorations sont en effet visibles, il demeure que l’homophobie récupère peu à peu de l’espace en France (et dans plusieurs pays du monde). La représentation des personnes queer (voir notre article portant sur le mot QUEER) a su évoluer de manière exponentielle au cours de ces deux dernières décennies, et a fait un bond vertigineux sur les quelques années passées.
Au travers des émissions de divertissement sur les chaînes publiques ainsi que (et majoritairement) des séries Netflix mettant en avant des protagonistes ouvertement homosexuels, ont permis la démocratisation sur cette orientation sexuelle jusqu’alors jugée comme étant « déviante ». Cette pratique a permis d’éveiller un large public aux souffrances que peuvent subir cette communauté via la lgbtphobie (aussi connue sous le terme d’homophobie) quotidienne, mais paradoxalement, elle a aussi permis la montée d’un nouveau complot : celui de la croyance du lobby LGBT.
Le lobby LGBT, à en croire la manière dont ils le définissent, semblerait chercher à « convertir » la population à l’homosexualité (nous vous invitons à aller lire notre article portant sur le LOBBY LGBT).
De nos jours, certains de la communauté homosexuelle ne souhaitent plus avoir à devoir passer par l’étape du coming out. Enfin visibles et reconnus dans cette société, l’utilité première du coming out est révolue.
Ce procédé anciennement libérateur se trouve aujourd’hui à avoir un rôle inverse : les personnes ayant à faire leur coming out se sentent enfermées dans cette image où leur orientation sexuelle semble les définir. Il faut garder à l’esprit qu’il y a autant de façons de faire un coming out qu’il y a de personnes le faisant, et de personnes à qui il s’adresse.
Aussi, si le coming out appartient à celui qui souhaite le faire ou non, il ne faut pas oublier le vice se cachant dans le principe de outé (= rendre publique l’homosexualité d’une personne sans son consentement ou sans lui demander la permission) une personne jusqu’alors simplement in (= personne se sachant homosexuelle mais ne l’ayant pas ouvertement dit).
Nous recevons le témoignage d’Antoine* (son prénom a été modifié) afin d’en apprendre davantage sur le vécu d’un coming out.
« Le coming out pour moi a toujours été quelque chose de compliqué. Qu’importe ce que les détracteurs peuvent dire, l’homosexualité est tout sauf un choix. Vous savez, on croit souvent que le plus compliqué est d’assumer le regard des autres sur nous, mais en fin de compte, du moins pour ma part, ça a d’abord été d’assumer mon propre regard sur moi-même. Je me posais des questions qui n’avaient aucun sens. Je portais des conclusions sans réfléchir. Je me souviens mettre dit « tu ne peux pas être gay, tu veux fonder une famille », comme si c’était antinomique. Vous savez, on vous éduque avec une vision très hétéronormée (qui inclut des objectifs de vie autour de l’hétérosexualité, être en couple avec une femme quand on est un homme) et le simple fait d’adopter une pensée qui diverge totalement de tout ce qu’on vous a appris, fait de vous votre ennemi numéro 1. Je me suis rendu compte de mon homosexualité peu de temps après mes 16 ans. Quand je dis que je m’en suis rendu compte, bien évidemment j’ai toujours eu des doutes auparavant, mais je me suis réellement permis d’être moi-même avec…moi-même à compter de ce moment. J’ai profité de partir 1 mois de chez ma maman pour lui annoncer par SMS. Vous savez, c’est toujours à la personne à qui vous tenez le plus, que la simple idée de pouvoir la décevoir vous tue. Ça a été le cas pour moi ce soir là, où j’ai vécu ma première crise d’angoisse et où je me suis vu devoir m’excuser pour qui j’étais, quitte à légitimer son abandon. « Je comprendrai si tu veux couper les ponts dorénavant », lui avais-je écrit. On active le mode avion, on se met en boule dans le coin de la pièce où on se trouve et on ne dort pas de la nuit. Jusqu’au petit matin où on se rend compte que cette personne nous a répondu, par chance de mon côté il s’agissait d’un message positif.
Je souhaite appuyer sur le fait qu’il s’agisse réellement d’une chance, car beaucoup de mes frères et soeurs n’ont malheureusement pas ce privilège et se retrouvent bien souvent à la rue, sans aucune solution à porter de main. À la rue pour être qui ils et elles sont, sans avoir rien demandé à qui que ce soit. 6 mois plus tard, lors d’une discussion en vélo avec mon père, je lui fais une annonce bien moins scénarisée qu’à ma mère où je lui annonce être gay. Qu’on le veuille ou non, le coming out reste un acte politique. À travers mon discours, j’attendais une réaction nulle de sa part. Je me disais « toi qui as toujours été con, sois le une fois de plus ». Et contre toute attente, sa réaction a été sage et tendre.
Spoil alert : ça n’a pas duré, j’ai appris quelque temps plus tard qu’il passait ses soirs à pleurer en disant « mon fils est pédé, que c’est dur », suivi d’un tas de phrases à caractère homophobe.
Spoil alert n°2 : le terme pédé est homophobe. Mais il s’agit d’un débat parallèle sur lequel on arrivera à obtenir gain de cause, j’y crois.
À la suite de ces évènements, j’ai été amené à subir le fait d’être outé. Pour vous la faire schématiquement, c’est comme si on vous prenait quelque chose qui n’appartient qu’à vous, et qu’on le dévoilait à qui veut l’entendre. Les gens aiment penser qu’il s’agit là d’un acte anodin. « Ça va, on pensait bien faire ! », oh que je l’ai entendue trop de fois, cette phrase. Je ne vous ai rien demandés, je vous en prie, restez à votre place. De ce fait, ma belle-mère a annoncé à ma grand-mère mon homosexualité, et quelques années plus tard, mon frère l’a déclaré à l’autre partie de la famille. Révélation banale ou geste violent, lequel choisiriez-vous ? Je vais vous le dire, il s’agit d’un geste violent : je souhaitais garder le secret auprès de mes grands-parents car ils sont d’une époque bien antérieure à celle que nous vivons. Je n’avais pas envie de créer une discorde de plus dans cette famille, qui n’en avait certainement pas besoin ! Les gens ne se rendent pas compte à partir du moment où ça ne les impacte pas directement. Rendre quelqu’un out sans son consentement peut se révéler dangereux, nous ne sommes jamais à l’abris d’une mauvaise réaction suite à ce genre d’annonce. Dans mon cas présent, mes grands-parents auraient juste pu arrêter de me parler, sans grande conséquence physique. Mais selon les personnes, ils peuvent adopter des comportements violents envers la personne qui se fait outé. Je suis d’avis à dire que toute personne n’ayant pas à réaliser de coming out ne pourra jamais savoir ce que ça fait. On se sent « rabaissé » à notre orientation sexuelle, alors que nous sommes tellement plus ! Nous parlons souvent d’égalité et que le monde actuel accepte totalement l’homosexualité, voire qu’il n’y a plus aucune différence entre les homos et les hétéros. C’est faux. Le jour où nous n’aurons plus ce devoir de déclarer à des gens à qui nous ne devons rien qui nous sommes simplement au travers d’avec qui nous couchons, seulement là nous aurons passé une étape. Aussi, j’aimerais juste porter à la connaissance de toutes et tous, un coming out n’est en rien un passage obligatoire, faites-le si vous en ressentez le besoin et abstenez-vous si vous n’en avez pas envie. Seul vous êtes maître de votre destin. En ce mois des fiertés, nous restons fort.es, nous restons soudé.es, et surtout nous restons fier.es. »
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