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Mai 2025 : deux défenseurs des droits s'en sont allés

Dernière mise à jour : 4 juin


Le 13 mai dernier l'ex-président uruguayen « Pepe » Mujica est décédé à l’âge de 89 ans, suivi dix jours plus tard par le maître incontesté de la photographie humaniste franco-brésilien Sebastião Salgado, à l'âge de 81 ans. L’Amérique du sud n'est pas la seule à regretter deux défenseurs des droits humains aux parcours et aux actions fortes et inspirantes. C'est le monde qui perd ici deux grandes figures de la défense active des opprimés.



Quelles que soient nos opinions politiques, notre nationalité ou notre âge on ne peut être qu'impressionnés par le parcours d'Humains en action de ces deux figures, qui restent malheureusement inconnus d'une partie du grand public et, en particulier, de la jeune génération.


Dans ce moment historique traversé par les guerres, les terrorismes, les obscurantismes et les atteintes aux droits de toutes sortes ; à l'heure où les ennemis du droit et de la démocratie vampirisent les réseaux sociaux, les médias et notre attention, — au risque de nous faire croire qu'il n'y aurait de la place que pour les voyous de petite ou de grande envergure —, il est essentiel de se rappeler qu'être défenseur des droits dans ses paroles et surtout dans sa vie peut être une réalité tangible. Les vies de "Pepe" Mujica et de Sebastião Salgado en témoignent.


Il est essentiel de se rappeler qu'être défenseur des droits dans ses paroles et surtout dans sa vie peut être une réalité tangible

Alors pour garder en héritage la nécessité et l'utilité d'agir et de ne jamais désespérer, vous trouverez en partage leurs deux biographies résumées.


José Mujica dit « Pepe »

Né  le 20 mai 1935 d'une famille de paysans pauvres en Uruguay, orphelin de père à 6 ans, il s'engage et milite dès l'âge de 15 ans contre la misère et l'injustice. Dans les années 60, face à la montée des groupes paramilitaires qui veulent prendre le pouvoir en utilisant la force, les agressions, les enlèvements et les assassinats, José Mujica est l'un des fondateurs, avec Raoul Sendic, du groupe des Tupamaros, guerilleros uruguayens, qui s'étaient donné pour mission de protéger le peuple et de contenir la montée des paramilitaires. En 1973, alors que la dictature militaire fait rage, il est fait « prisonnier-otage » par la junte et est emprisonné dans des conditions inhumaines. Torturé tous les jours, mis à l'isolement total, il sera ainsi détenu pendant toute la durée de la dictature (1973-1985), dont 2 ans au fond d'un puits avec pour seuls compagnons des rats et des grenouilles, avec qui il partageait ses quignons de pain.

Il en sortira en 1985, à demi-fou, mais déterminé à reprendre le combat, en renoncant au

recours à la violence.


Après le rétablissement de la démocratie, il participe à la création du Mouvement de participation populaire (MPP) avec le Mouvement de libération nationale Tupamaros (MLN-T). Élu député (1994) puis sénateur (1999), il parvient à faire du mouvement la première force politique. Il est ensuite nommé ministre de l’Agriculture, en 2005, lorsque ce parti parvient à propulser Tabaré Vázquez à la présidence (2005-2010 puis 2015-2020). Il est enfin élu président, en 2009, avec 52 % des suffrages.


Mujica a fait le choix d’imposer des réformes socio-culturelles. Amplement relayées par

la presse internationale, la légalisation de l’avortement (octobre 2012), l’approbation du mariage homosexuel (avril 2013) et la dépénalisation du cannabis (décembre 2013) ont été érigées en symboles d’une « modernité politique recouvrée et revendiquée. »


Après 25 ans de vie commune, il se marie avec Lucia Topolansky, ancienne guérillera. Sénatrice de la majorité la mieux élue, cette dernière est devenue en septembre 2017 vice-présidente d'Uruguay, après la démission de Raul Sendic, visé par plusieurs scandales. Ils n'ont pas eu d'enfants.


« Le président le plus pauvre du monde » comme tout le monde l'appelait, roulait en coccinelle, ne portait pas de cravate, continuait à cultiver avec son épouse des fleurs à des fins commerciales et donnait environ 90 % de son salaire présidentiel à un programme de logement social, conservant pour lui-même l'équivalent du salaire moyen en Uruguay (environ 900 € par mois). Il recevait dans sa modeste ferme en périphérie de Montevideo, qu’il a continué d'habiter durant sa présidence et jusqu'à sa mort des suites d'un cancer, le 13 mai 2025. Il a d'ailleurs demandé à y être enterré, dans son jardin, sous un arbre qu’il a planté, aux côtés de Manuela, sa chienne à trois pattes.


Le gouvernement de l'Uruguay a décrété trois jours de deuil national.


Sebastião Salgado

Né le 8 février 1944 à Aimorés (Minas Gerais) dans une ferme située au milieu de la forêt tropicale, portugais par son père et d'origine juive ukrainienne par sa mère, il grandit en pleine nature, dans la forêt, parmi les animaux et 7 sœurs.


Son père, qui est éleveur, veut faire de son fils un « notable », voire un avocat. A l’âge de 15 ans, Sebastião Salgado part ainsi en ville, à Vitoria, sur la côte, pour faire des études d’économie. Il y rencontre la femme de sa vie, Lélia Wanick.


Il obtient une maîtrise d'économie et d'économétrie à l'université de Sao Paolo. Militant au sein des Jeunesses communistes, Salgado se trouve contraint de fuir la dictature brésilienne en 1969, avec sa femme. Le couple choisit alors le « pays des droits de l’Homme » et pose ses valises à Paris en août 1969. Il a 25 ans et poursuit ses études en économie tandis que Lélia entreprend des études d’architecture qui rende nécessaire l'achat d'un appareil photo.


C'est ainsi, de manière tout à fait fortuite, que Salgado, âgé de 26 ans, se retrouve pour la première fois avec un appareil photo entre les mains. Sa vie s'en retrouvera bouleversée.

En regardant dans le viseur, il a une révélation : « brusquement, la vie prend un sens ». Il finira par abandonner son poste au sein de  l'Organisation internationale du café (ICO), basée à Londres pour se consacrer entièrement à la photographie.


Il travaille en argentique noir et blanc, puis en mélangeant l’argentique et le numérique. Ses photos capturent avec beaucoup d'ampleur et une force incroyable les environnements naturels et les personnes qui y vivent, en mettant l'accent sur les contextes sociaux et économiques et les dures réalités de la vie. On pense notamment à ses œuvres majeures comme « Workers », « Migrations » et la série épique « Genesis ». Il travaille avec les agences Sygma, Gamma et Magnum Photos et formera avec sa femme, Lélia Wanick Salgado, leur propre agence Amazonas en 1994.


Il voyage dans plus de 100 pays pour ses projets photographiques et deviendra ambassadeur de bonne volonté pour l'UNICEF. Avec son épouse, Lélia Deluiz Wanick Salgado, il fonde en 1998 l’ONG Instituto Terra, dédié à la reforestation et à la promotion du développement rural durable, dans la vallée du Rio Doce où le couple s’était installé. Ils ont replanté 2,5 millions d’arbres, sur la terre natale du Minas Gerais, dévastée par la déforestation.


Le 23 mai l’Académie française des beaux-arts annonce la mort de Salgado survenu à Neuilly-sur-Seine en France.



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